Raconter ce trail, c'est aussi dire: "j'en suis revenue saine et sauve..."
Partie avec le sourire ! Christine Oguey Diaque est devant moi. Elle va faire une montée d'enfer mais je la rattrapperai 2h plus tard.
Pour moi qui traîne assez peu mes bottes sur les trails de Rhône-Alpes, mon expérience se limitait à des courses réalisées le plus souvent par beau temps et où seules mes sensations très personnelles et égocentriques avaient place.
Rien de tel à Val d'Isère ce dimanche 17 juillet! Arrivée la veille, j'avais en tête la météo assez mauvaise annoncée avec pluie et vent et éventuellement quelques grains de grêle. Et sur un tel parcours, il y avait de quoi se faire du souci quant aux vêtements à emporter; nous devions gravir l'Aiguille Pers à 3400m sur une longue arête et la perspective de se geler au vent m'est venue rapidement à l'esprit. Cela s'est révélé pire que prévu!
Pourtant au moment de partir, le ciel était à peine traversé de nuages, il faisait encore doux. J'étais en manches courtes, short. Dans mon sac à dos, le matos obligatoire que l'organisation préconisait. Malgré une entrée dans l'enclôt de départ avec pointage, j'ai vu des gens avec une simple gourde autour du ventre. De la folie quand on sait quelles seront les conditions 1h30 plus tard!! Un peu de légèreté de la part des organisateurs?
Le départ est donné direction le Manchet. Je ne sais pour quelle raison obscure tenant autant de la dyslexie que de l'écervelée, je croyais que la vallée du Manchet était le chemin de retour... M'en étant rendue compte la veille, j'ai dû revoir tout le parcours sur carte pour le remettre à l'endroit dans ma tête. Plus de 300 concurrents prennent le départ et tous sur le 33km puisqu'en raison de la météo, l'organisateur s'est résolu à annuler le grand parcours passant sur le glacier de la Grande Motte. Sage idée!
Le parcours s'engage donc dans la vallée du Manchet, ascension du col des Fours avec 2 portions raides. Puis descente pour retrouver la route du col de l'Iseran que nous longerons sur 2km. Ensuite de nouveau ascension hors sentier sous l'aiguille des Pers, légère descente à flanc pour rejoindre le col des Pers à 3000m. De là, nous suivrons l'arête qui mène au sommet à 3400m et nous reviendrons sur nos pas jusqu'au col en double sens. Puis descente jusqu'au sommet du col de l'Iseran avec dernier ravito. Dernière ascension du col des Leissières en passant par le tunnel et retour dans la vallée de Val d'Isère par la face de Solaise.
Encouragée par une forme grandissante, ma tactique est de partir assez fort pour ne pas me laisser distancer par les meilleures. Sur le long plat de la vallée tout se passe bien. Mon coeur bat un peu vite et je me résouds à marcher dans les premiers lacets pour calmer tout ça. En revanche, je cours dès que je le peux. La forme n'est pas au top, je dirai 7 sur 10 à cause d'un vendredi passé accroupie à oeuvrer pour la bonne cause. Les jambes sont bonnes mais sans plus. Je suis assez exigeante maintenant! Dans ces cas-là, je me dis que ça peut changer en cours de route et ça changera effectivement!
Le sentier est très agréable jusqu'au refuge des Fours, un peu raide mais sans plus, mon rythme est bon et je passe au col en 1h35 environ. C'est à ce moment-là que la pluie se met à tomber sans discontinuer, drue. Au loin, je vois le 1er ravito, la route du col de l'Iseran et les concurrents qui s'étirent, petits points de couleur dans la brume. ![](https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiw4Nt5DvPYi73EJyW-kM5YWS0y1jUgP8UwDOf3g_IYhsRrdPMp8BfkC0GvhM6xNeHvIhnfJeEpyxAyC6Rzq-Z4utg4gdFND5GanDJYfi5TQROmkXYGTg6vAZdh_hI1C8eAHvYgAPDAbiI/s320/P1040028.JPG)
Passage au col de Fours en 1h35
J'arrive bien mouillée au ravito où je bois un coca et mange une banane. Puis j'attaque la portion de route du col en plat bien montant. Ce pourcentage que je n'aurai pas pu faire en courant il y a 2 semaines, je l'avale en trottinant tout en poussant sur mes bâtons, le mollet gauche tire un peu mais le coeur reste bas à 147. Nickel!
Au moment de prendre le chemin dans la montagne, je décide de m'habiller. J'enfile mon sous-pull technique pour conditions chaudes et je repars, ce n'est pas le moment de prendre froid, le parcours est encore long et difficile! Mais la pluie tombe tellement fort que je suis rapidement très mouillée et je commence à avoir froid aux mains. L'effort ne suffit pas à me garder au chaud, l'altitude se fait sentir, j'ai un peu faim, mes jambes alternent entre dynamiques et molles, je fais tout pour rester dans le coup, je bois, je grignote un peu. Le chemin monte dans les rochers érodés par les derniers glaciers sur un parcours balisé hors sentier, très intéressant, technique et réussi! Mais le vent souffle et accroît la sensation de froid. Je m'arrête de nouveau pour mettre mon coupe vent qui se retrouve trempé après quelques minutes. C'est le genre de K-way idéal pour la pêche aux moules en Bretagne... Je regrette soudain les gants et le bonnet sortis du sac et laissés dans la voiture ce matin... Je cache mes mains dans les manches et continue de monter à un bon rythme, il faut se réchauffer!!!
A un moment, le chemin redescend. Nous ne voyons rien dans le brouillard, il faut être très attentif pour suivre le balisage au risque de se perdre... Courir en descente me réchauffe un peu. Secrètement, j'espère qu'ils ne nous feront pas monter à l'Aiguille car j'ai peur de ne pas y arriver dans mon état. Mais au col des Pers, les gars me disent qu'on peut monter... Ok, allons-y. A ce moment-là, je vois des concurrents descendre en courant à l'aise, à leur allure, ils semblent être dans le peloton de tête. S'ils n'en sont que là, me dis-je, combien de temps vais-je mettre pour arriver en haut, dans ce vent, ce froid, cette pluie qui giffle??? (Je mettrai 30min pour aller du col au sommet, 3h34 depuis le début)
Et des idées me viennent en vrac à l'esprit : "arrête-toi!" ce à quoi je me réponds :"JAMAIS !"
"Ok, me dit le petit diablotin de mon esprit sur un ton goguenard, dans ce cas, ne te plains pas d'avoir froid!!" Et c'est vrai qu'il ne faut pas se plaindre. Se plaindre, gémir c'est subir les conditions extrêmes et c'est la porte ouverte à l'abandon. Et là, dans cette montagne abrupte, avec des rafales violentes de vent, la pluie qui cingle le visage, qui ruisselle au point de me mouiller entièrement jusqu'au slip, avec des grains de grêle qui fouettent les jambes, le visage qui se crispe, le rictus pour supporter le froid, il n'est pas question d'arrêter. Pour aller où? Personne n'est capable de me donner des vêtements chauds et secs, personne n'est capable de m'aider, s'arrêter c'est l'hypothermie assurée, c'est mourir, pensé-je en moi-même.
La descente du col des Fours où il fait encore bon. Après cela, impossible de prendre des photos : mains gelées!
Et c'est à partir de maintenant que la course prend une tournure différente pour moi et certainement pour beaucoup d'autres aussi. La brochure du trail disait : "Vous avez les jambes... mais aurez-vous le mental?" Ah Ah Ah... Je n'ai pas la force de ricanner, juste de mettre mes mains au chaud sous les aisselles, d'avancer un pied devant l'autre et d'arrêter de me dire qu'il fait froid. Le mental entre en effet en action sous la forme de l'instinct de survie. Comme je le disais plus haut, s'arrêter (abandonner) c'est mourir (j'exagère à peine) ou souffrir terriblement. Quitte à souffrir, autant le faire en bougeant, toujours, en avançant et en serrant les dents. L'altitude est encore plus aigüe à supporter pour les muscles, quand je lève le nez, la tête me tourne terriblement et je vacille. Le vent souffle en rafales violentes, il pleut très fort et parfois je sens quelques grains de grêle me fouetter les oreilles. J'arrête de me servir de mes bâtons car mes mains gèlent sur les poignées et je monte finalement mieux sans. François revient sur moi de l'arrière après quelques problèmes gastriques et me confirme qu'aucune autre femme ne me menace en revenant. Je suis contente de le revoir, je me faisais du souci en pensant qu'il s'était peut-être fait mal quelque part. Je lui demande de me donner un Sporténine et n'ayant pas la force de le prendre dans mes doigts gourds, il me le donne à la becquée comme à un bébé. Ca me fait du bien mais il faut quand même lutter contre le froid. Le vent c'est une chose mais quand on est trempé, c'en est une autre. Je ne pense plus à ma performance, seul l'objectif de rester au chaud me pousse à marcher vite. Les concurrents que nous croisons et qui reviennent du sommet nous disent qu'il y a encore un bout avant d'y arriver... Ne pas y penser, avancer, avancer. Eviter les chutes sur les plaques de neige glacée en dévers, ne pas trébucher quand il y a le précipice juste à côté, garder les mains serrées contre soi car le moindre écart fait entrer l'air glacé et croyez-moi ce sont des gestes vitaux!
Et c'est à partir de maintenant que la course prend une tournure différente pour moi et certainement pour beaucoup d'autres aussi. La brochure du trail disait : "Vous avez les jambes... mais aurez-vous le mental?" Ah Ah Ah... Je n'ai pas la force de ricanner, juste de mettre mes mains au chaud sous les aisselles, d'avancer un pied devant l'autre et d'arrêter de me dire qu'il fait froid. Le mental entre en effet en action sous la forme de l'instinct de survie. Comme je le disais plus haut, s'arrêter (abandonner) c'est mourir (j'exagère à peine) ou souffrir terriblement. Quitte à souffrir, autant le faire en bougeant, toujours, en avançant et en serrant les dents. L'altitude est encore plus aigüe à supporter pour les muscles, quand je lève le nez, la tête me tourne terriblement et je vacille. Le vent souffle en rafales violentes, il pleut très fort et parfois je sens quelques grains de grêle me fouetter les oreilles. J'arrête de me servir de mes bâtons car mes mains gèlent sur les poignées et je monte finalement mieux sans. François revient sur moi de l'arrière après quelques problèmes gastriques et me confirme qu'aucune autre femme ne me menace en revenant. Je suis contente de le revoir, je me faisais du souci en pensant qu'il s'était peut-être fait mal quelque part. Je lui demande de me donner un Sporténine et n'ayant pas la force de le prendre dans mes doigts gourds, il me le donne à la becquée comme à un bébé. Ca me fait du bien mais il faut quand même lutter contre le froid. Le vent c'est une chose mais quand on est trempé, c'en est une autre. Je ne pense plus à ma performance, seul l'objectif de rester au chaud me pousse à marcher vite. Les concurrents que nous croisons et qui reviennent du sommet nous disent qu'il y a encore un bout avant d'y arriver... Ne pas y penser, avancer, avancer. Eviter les chutes sur les plaques de neige glacée en dévers, ne pas trébucher quand il y a le précipice juste à côté, garder les mains serrées contre soi car le moindre écart fait entrer l'air glacé et croyez-moi ce sont des gestes vitaux!
Enfin nous arrivons au sommet et je n'ai pas envie de crier victoire, seulement de me dire: "enfin!" Là nous trouvons 3 volontaires bien habillés mais dont je n'envie pas la place! Rester planté plusieurs heures dans cette tempête, c'est presque plus inhumain que notre ascension! J'échange quelques mots avec eux en plaisantant (je ne peux pas m'en empêcher) je regarde mon équipier et je m'aperçois qu'il est en bien mauvaise posture: ayant oublié son coupe-vent, malgré un bonnet et des gants, il est en hypothermie. Je l'encourage alors en lui disant que le plus dur est fait et que nous allons vite partir d'ici. Désormais notre objectif est de fuir cet enfer le plus vite possible! Je ne rêve que d'une douche chaude et de vêtements secs!
En redescendant j'encourage aussi tous les gens que je croise et qui en bavent autant que nous, ils ont tous le rictus du froid sur le visage. Et le fait d'encourager, d'aider les autres par la parole me fait oublier mes propres difficultés. Et je me sens pousser soudain des ailes, ma voix porte haute et claire dans l'air froid, mes muscles durcit par le froid sont insensibles et je peux donc attaquer en descente sans ressentir de douleur. Je suis encore loin de l'hypothermie car j'ai une couche adipeuse certaine! Mais d'autres n'ont pas cette chance... Au col j'étais 5ème dame et je vois 2 femmes abandonner dans la descente pour hypothermie, j'en double une autre et je me retrouve finalement seconde de retour au col. Seconde! Qui l'eût cru? Raison de plus pour voler de plus belle en dévalant la pente! Les 2 bouchées de barres que je mâche ont du mal à passer. Je double un certain nombre d'hommes et je continue sur mon rythme, rien ne peut m'arrêter. François me suit de loin mais il est toujours là.
Je pense à ma soeur, à son accueil chaleureux la veille et au petit mot laissé sur la table que j'ai emporté dans mon sac et qui dit ceci: "MERDE pour la course. Et YALAA pour la victoire!!" Oui, Yalaa !! Je fonce tout en pensant aux mots d'encouragements de mes proches et ça me porte.
J'arrive au col de l'Iseran où la soupe chaude à laquelle je pense depuis un quart d'heure me brûle la gorge. Quel délice!!! C'est déjà ça et c'est tellement! Les bénévoles nous encouragent avec chaleur. François tremble tellement qu'il renverse la soupe sur ses gants. Il se questionne encore à savoir s'il abandonne ou non. Puis, le brouillard se déchire et on aperçoit le haut du col des Leissières tout proche. Réchauffé par la soupe, il se décide pour continuer et nous y allons.
Je crie de joie en voyant que ce col est minable par rapport à ce que nous venons de gravir! Je crie de joie dans la montagne en disant que c'est bientôt la fin et qu'on va pouvoir se doucher!! Et nous grimpons à l'assaut de la pente dans les gravats d'ardoise. Arrivée au tunnel en 20min, je serre le bras de François en le félicitant de son courage pour s'être accroché jusque là. Ceux qui le traversent avec nous ont les mêmes mots.
Nous débouchons sur la vallée de Val d'Isère et il reste la descente finale, plus de 1000m de dénivellé sur un parcours mi-sentier, mi hors piste montagnard et sauvage, magnifique! Nous gagnons quelques degrés à mesure que nous perdons de l'altitude et ça va très vite mieux.
Je m'applique à adopter la technique de descente que j'ai vue chez un autre concurrent en montagne et cela va vite. Vite sans faire mal. Nous doublons encore des concurrents. En fait, certains ne sont pas montés à l'aiguille des Pers et ont préféré éviter l'enfer. C'est pourquoi je double des femmes mais qui ne sont en fait pas devant moi au scratch. Dans la pelouse alpine, nous marchons sur des joubarbes, des raiponses, des pieds de chat, l'herbe est très verte, adorable. Il pleut toujours, le brouillard noie le paysage et nous attaquons enfin la face de Solaise sur la piste de VTT. Plus nous descendons, plus c'est boueux. A un moment, je veux franchir un pont de bois et au moment où mon pied va se poser, je me dis "Mais... un pont de bois mouillé, ça glisse..." et vlam, je me rétame à plat ventre! Pas de mal, on rigole!
La brume se déchire juste au moment où nous arrivons à la station, le dernier sentier dans la forêt de mélèzes est hyper glissant puis c'est l'arrivée où nous nous donnons la main pour sceller une course difficile où nous avons eu besoin de mobiliser d'autres choses que notre seule force physique.
L'arrivée main dans la main
5h24 pour 33km. Les forces vitales et mentales ont été plus que nécessaires, nous avons développé l'aspect psychologique non pour aller plus vite mais pour continuer à avancer afin de ralier l'arrivée, la sécurité, la chaleur plus vite. Certains n'ont pas pu le faire, soit par manque de matériel adapté, soit parce qu'ils ont craqué. Je compatis.
Et la douche a été excellente! Quel bonheur! Dans le plus grand parc aquatique des Alpes! J'ai échangé mes impressions avec d'autres coureurs qui partageaient mon avis : là haut, c'était l'enfer!
Nous avons attendu un certain moment pour la remise des prix car du fait que certains n'étaient pas montés tout en haut et que les pointages avaient été un peu légers, le classement était faux. Pas pour les 30 premiers mais pour les autres. J'en connais certains qui ont été "volé" de leur victoire. Je termine finalement 2ème, une place que j'apprécie à sa juste valeur et que je n'aurai jamais espérée. La 1ère Virginie Gauvignond est en 5h14 et la 3ème Christine Oguey Diaque termine en 5h45.
J'ai été très gâtée par les organisateurs grâce à ma seconde place au scratch et ma 1ère place en V1 : un collant 3/4, 2 paires de chaussettes, un tee-shirt technique BIONIC, 1 kilo de Beaufort et 1 forfait journée sur le domaine. Génial!
Chez les hommes c'est l'excellent, talentueux et très sympathique Damien Vouillamoz qui s'impose en 3h32 !! Il nous a raconté sa course : il n'a pas eu froid sur le sommet des Pers (merci sponsor!) grâce à ses bons vêtements mais il a souffert d'un coup de pompe au tunnel où Alexis Traub l'a rejoint. Ils ont fait la descente ensemble et Damien le devance de 42 petites secondes! A la régulière! Le 3ème Clovis Dalban Moreynas pointe à 12min.
![](https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEivxEiZmQyxVd1RoLazoq7pAfBsAo4JgZ5YFF_BWn6Fvu9cTdlzWkQjy_aBwYj6e_WmYpwfds5XKCu5dhfWoQXH23jhu2Ij97ERScFt_49sk9Y-8726nr_Tj-UhP3UKwrnM2dWQv9S_AGY/s320/IMG_2352.JPG)
De d à g : Christine, Virginie et moi.
Je remercie l'organisation de l'ITT pour sa générosité et sa sympathie, les bénévoles pour leur courage, Pascal Pierrain alias Photogone pour son aimable accord sur les photos et j'espère être là l'an prochain pour la seconde édition. C'est une très belle course qui mérite son appellation de plus haut trail d'Europe et c'est en cela qu'elle est attirante!
Ar'vi pa!