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Dimanche 31 octobre : marathon de Lausanne, 10h10. Objectif : 3h20
En train de préparer mon sac
C'est mon premier marathon. Ca fait une semaine que je me fais du souci, que je me demande comment faire, quelle tactique adopter, je questionne tous ceux et celles qui ont déjà couru la distance mythique histoire de me rassurer.
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A Tignes sur le glacier, conditions magnifiques: neige fraîche, -5°
Pour fignoler la préparation, (c'est du 3ème degré..) je suis en stage de ski sur glacier à Tignes avec les jeunes de mon comité où je ne cours pas un kilomètre et quand je fais une séance de décrassage samedi, horreur! Les mollets me tirent affreusement, j'ai l'impression d'avoir perdu tout ce que j'avais fait auparavant, d'être une débutante. Ca ne me rassure pas du tout!
Je passe l'après midi du samedi à me masser les mollets, avec les jambes en l'air à regarder un film de Clint Eastwood "Gran Torino". Excellent film, il ne faut pas avoir peur des gros mots mais c'est du Eastwood pur jus, ça me détend. Je prépare mes affaires jusqu'à point d'heure, le stress me tient éveillée.
Je suis certaine d'avoir mieux dormi avant les courses des Jeux Olympiques !
Avec le décalage horaire français (1h de moins cette nuit), j'arrive sur la Suisse avec le soleil qui se lève timidement sur le lac.
Lausanne pour moi, c'est d'abord "la lumière du lac" de Bernard Clavel, grand écrivain récemment disparu, amoureux du Jura, qui parlait si justement de la lumière du lac Léman, particulière et mystérieuse, j'ai toujours remarqué cela en y passant.
Lausanne c'est aussi le siège du CIO. Je ne m'apesentirai pas sur les propos de ce cher Mr de Coubertin qui parlait des "femelles" plus à même de travailler en cuisine que de courir sur un terrain en short, il collait à la mysogynie ambiante de son début de siècle. Parions qu'aujourd'hui, il tiendrait un discours différent... Je lui laisse une chance...
Lausanne et ses illustres habitants artistes: Maurice Béjart y créa son corps de ballet de danse contemporaine. Regardez la chorégraphie qu'il a crée sur le "Boléro" de Ravel avec plusieurs interprètes différents; chacun y apporte sa touche : Maïa Plissetskaïa montre son humilité et une sensualité innocente, Jorge Donn y est généreux et fantastique, Sylvie Guillem offre toute sa puissance, sa technique, son autorité. Enivrant.
Charlie Chaplin y est mort je crois, David Bowie y a vécu un temps et j'en passe...
En entrant dans la ville, je passe devant la maison Phillip Moris (les cigarettes) que j'aimais bien fumer adolescente... Et oui, elles avaient bon goût! Personne n'est parfait.
Bref, les suisses dorment encore et la circulation est fluide. C'est toujours un bonheur pour moi de revenir en Suisse. Je sais que ce n'est pas l'avis des frontaliers sur Genève qui pestent contre les feux rouges et leurs radars. Mais il faut oublier qu'on est français en Suisse et adopter leur conduite en ville, souple, tranquille, respectueuse. Même s'ils ne nous pardonnent aucun écart...
Oui, je vais parler course à pied, deux secondes!
Je vais chercher mon dossard et récupère mon sac à surprises "tant que je peux encore marcher!" dis-je en plaisantant à la bénévole en place. Je ne crois pas si bien dire..
J'ai bien observé le profil de la course, ça monte et ça descend et je crains le vent dans le nez pour le retour... Je m'échauffe correctement, les jambes ont l'air d'aller. Dans le grand parc à côté du départ, il y a de l'ambiance: un groupe de personnes sur une scène font une séance de fitness en musique pour aider ceux qui le veulent à finir leur échauffement, ils ont du succès.
En prévision de la pluie, j'avais mis un tee-shirt à manches longues que je quitte avant le départ, je ne veux pas avoir trop chaud. Le mauvais temps est prévu seulement pour ce soir.
Comme je le disais, j'ai demandé des conseils à plusieurs personnes qui m'en ont donné d'excellents, notamment de partir doucement, de bien boire etc. Et à 5min du départ, je suis là encore à me demander quelle stratégie adopter.
Et je me place sur la ligne des 3h15. Je m'apercevrai dans 2h que j'ai fait toutes les erreurs qu'on m'avait conseillé d'éviter... Moi et mon esprit rebelle, il faut qu'on se calme de temps en temps et écouter humblement ce qu'on nous dit. Car sur ce premier marathon, j'ai manqué cruellement d'humilité! Tant pis pour moi. Pour le moment, je ne le sais pas et je fonce dans mon idée, entêtée, voulant toujours avoir raison et ne pas faire comme tout le monde...
Au poignet, j'ai un bracelet avec les temps de référence pour réaliser 3h15.
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Ca y est, le départ est donné!! Je suis bien. On part moins vite que je ne le pensais. Autour du donneur d'allure, les coureurs se pressent comme un essaim d'abeilles autour de sa reine.
Tout du long, les spectateurs seront sympas et encourageront chaleureusement, surtout les femmes. Merci! Ca descend beaucoup sur les 5 premiers kilomètres et j'ai peur pour le retour, il faudra remonter pas mal de dénivellé tout de même. Mais je profite du paysage, je me délecte. Le ballon est à une centaine de mètres devant moi. Le coeur monte doucement pour se stabiliser à 163, zone de VMA, je cours en 4'30 sur mille, un peu vite mais ça va alors... je continue.
On arrive près des coteaux où les vignerons font une pause pour nous regarder passer, il y a des orchestres musicaux ou de la sono de loin en loin au bord de la route, ça tient compagnie. Au 15ème kilomètre, ça va très bien, je cours en 4'13 avec le coeur à 168 je suis toujours bien mais je m'aperçois qu'on a le vent dans le dos...ce que je craignais pour le retour.
C'est en entrant dans Vevey qu'on croise les premiers qui sont sur le retour. Le premier du moment a de l'avance. La première femme est seule aussi. Et moi je commence à craquer. Je mange régulièrement, je bois mais je sens que mes jambes fatiguent. Et en quelques centaines de mètres, ça craque, c'est affreux, il n'y a rien à faire, ça tombe d'un coup et on se sent tellement petit alors! Je ressens les apports glucidiques et je fais un peu le yoyo dans mon allure. Le ballon des 3h15 est bien loin maintenant.
Je passe au 21km en 1h40, pas de quoi faire un fromage et en pensant au chemin du retour avec tout de même un profil un peu plus montant je trouve, (c'est très personnel) je me dis que je ne pourrai jamais atteindre mon objectif : 3h20. Au moment où on fait demi tour, quelqu'un dans le groupe dit "c'est maintenant que la course commence!" Je suis bien d'accord avec lui. Jusque là j'étais bien, prenant le temps de regarder le paysage, de sourire aux gens, de taper dans les mains des enfants. Et en sortant de la ville au 25ème kilomètre, c'est le coup de pompe. Ce sont les muscles qui pêchent : j'ai mal sous le pied gauche, sous le "coussinet", ça devient insensible puis à la longue, ça chauffe et ça fait très mal. Mal aux fessiers, au tenseur fascia lata et au vaste interne. C'est rare quand ce muscle tire, c'est mon point faible.
Marre de piétiner sur le macadam, une fatigue sournoise s'insinue. J'ai beau avoir des chaussures neuves, j'ai l'impression de courir avec des tatanes raplapla. Je me redresse, je regarde devant, je corrige ma technique mais d'imaginer ce qu'il me reste à faire me décourage.
Je croise les derniers du marathon et une vieille japonaise qui trottine les pieds au ras du sol. Je lui ressemblerai sous peu.
Le long du lac avec le vent dans le nez, je ne double personne mais tout le monde me double. Et je ne trouve personne à ma main pour me protéger du vent. Quand le ballon des 3h30 me double, j'essaie d'accrocher, j'y arriverai presque mais non, pas la tête pour ça. Et puis dans le sillage de l'essaim, je trouve une femme en short noir, Regina dossard 723 qui me double. Je me dis : celle-là, tu l'accroches pour relancer. Je l'accroche, ça me permet de relancer, je remonte ma vitesse (5'05) et je me mets en mode "hypnose" : je fixe son mollet droit et rien que cela pour ne rien voir à côté. J'ai décidé de ne plus regarder les kilomètres ni l'allure, je n'atteindrai pas mon objectif, donc advienne que pourra. Il faut rentrer...et courir.
Je cours ainsi derrière elle pendant presque 7 bornes puis je décroche en m'arrêtant. J'ai besoin de m'étirer, de faire une pause. Finie la bonne allure, je me retrouve seule et bien fatiguée. J'avais mal mais là ça va être encore pire, oui c'est possible!! En fait c'est l'effet combiné des muscles raidis à la limite des crampes (même les abdos!!) et de la fatigue du mouvement répétitif. Ca me rend folle. Je cours 2 kilomètres en à peu près 6'20 puis je ralentis ou je m'arrête un court moment et je repars. Je ne peux rien avaler, j'essaie pourtant d'avaler une topette énergie et 15min plus tard, j'ai envie de vomir.
A partir du 37ème kilomètre, ça va devenir aigü. Cette fatigue mentale, cette usure de la foulée monotone est parfois plus forte que le reste. Je ne sais plus comment courir. Résultat : je vais terminer le marathon en pleurant de fatigue pendant 3 kilomètres. Mon Dieu ces 3 kilomètres, comme ils m'ont paru longs, infinis, torturants, atroces. Oui, j'utilise des mots forts mais ceux qui l'ont vécu me comprendront, non? Surtout ceux qui en ont bavé à un moment ou à un autre.
Je pleure, les lignes droites sont horriblement droites et longues... Je pleure parce que ça fait mal, je me dis que je ne peux en supporter davantage mais il faut tout de même encore encaisser, encaisser, avancer. Quand je marche sur quelques mètres, des concurrents sympas m'encouragent et je repars. J'ai l'impression que plus les kilomètres défilent (lentement c'est vrai), plus je mets du temps à les parcourir.
Puis Alleluïa, le km 41 est en vue !! Je me dis "c'est le dernier, c'est le dernier!" Je suis envahie par l'émotion, je continue de pleurer mais je m'accroche, je grignote doucement cent mètres par cent mètres. Les photographes sont là, j'essaie de ne pas faire une tête trop affreuse, difficile! Puis au bout d'une ligne droite interminable, enfin, enfin!
L'arrivée. ![](https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj9qNTp3-afKosuC34a_xc7hGv1adoO-gVbtXf5T5WQmd41PRo6l1ylXJiuOFGWNQ4XVLyMOkHAtsK-x1ogSmmMdBAPEjYlT2rzWZxYoB1aRJhTbEJnlHtoX3CJ2CHgFAZI3Ylm7QXpkIE/s320/31oct10+192.jpg)
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Après l'arrivée, des larmes encore plein les yeux, ça me soulage.
3h52'31", bien loin de mon objectif irréaliste. Mais j'y suis parvenue nom de D..., mes p... de jambes ont eu du mal. J'ai mieux géré mon trail de 42km dans l'Ubaye qu'ici mais ça n'a rien à voir. Il faut s'adapter aux conditions physiques, mentales et climatiques, au profil, à la boucle.
C'est ce qui est passionnant avec la course à pied et plus encore avec le marathon: la variété. Il n'y a pas 2 marathons semblables, ce qui est vrai un jour, sera faux le lendemain.
Et je me rends compte que je n'ai pas su préparer la course, ne sachant pas vraiment de quoi il retournait. C'était mon baptême du feu! Pour le prochain, à mon avis, un travail de sape sur la route pour se mettre la distance dans les pattes est nécessaire avec des sorties de 3h/3h30 au seuil. Bon j'apprends, c'est la vie! Mais malgré le mal, la douleur, les larmes, je ne veux pas décourager ceux qui aimeraient essayer. Et ce serait également mensonger de dire que c'est une partie de plaisir. En ce moment, je marche comme une grand-mère. A 80ans, je m'en souviendrai...
Quand on aime la course à pied et qu'on veut se lancer un défi, le marathon fait partie des rêves tout comme les skieurs de fond rêvent de la Vasaloppet. J'avais cette idée de franchir cette distance un jour ou l'autre mais j'étais intimidée par l'énormité du projet, je manquais aussi de confiance en moi. Et en en parlant avec des passionnés, ils ont réussi à me transmettre leur enthousiasme et je m'y suis mise. Je suis fière de l'avoir fait.
Mais je laisserai le mot de la fin à ma mère, qui a toujours le mot pour rire (jaune) : "Est-ce que ça a réussi à te dégoûter de la course à pied?"